Témoignage – Le CCP des Terre-pailleux
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Fin d’après-midi en ce 15 juillet 2014, les derniers participants au Campstage arrivent à la Courdémière, en plein cœur de la Vienne. Fraîchement débarqués de Paris, ils rejoignent les autres stagiaires venus des quatre coins de la France et déjà installés sur le site où doit se dérouler une expérience d’un genre nouveau : un Cours Certifié de Permaculture (CCP) sur un mois !
D’une durée établie de 72 heures suivant le programme mis au point par Bill Mollison, les CCP se déroulent habituellement sur 10 à 15 jours. Mais, “15 jours, c’est bien trop court, bien trop dense !” ou “il y a trop de théorie, pas assez de pratique”, comme l’ont souvent fait remarquer les stagiaires de par le passé. Cette année, c’était donc décidé, l’association allait innover en proposant une formule “cours et chantier” déployée sur un mois. De la théorie ET de la pratique…
Dix-sept participants se sont inscrits pour suivre ce cours qui, outre son format particulier, avait pour autre originalité d’être solidaire. L’idée de Terre, Paille et Compagnie était, en effet, de proposer un tarif accessible à tous pour un stage de cette durée. Ainsi, dès le printemps, un financement participatif a été mis en place sur un site dédié. Internet et les réseaux sociaux ont eu vite fait de passer le message de ce projet de stage et de l’appel à la générosité publique. La somme globale visée a rapidement été réunie, permettant ainsi de proposer, aux futurs stagiaires, le tarif souhaité par l’association.
Et c’est autour d’une soirée pizza, cuites au four à bois, que les stagiaires et habitants du lieu ont commencé à faire connaissance. Dès le lendemain matin, chacun a pu se présenter et faire part de ses motivations à l’occasion d’un tour de parole introductif.
Parmi les stagiaires, certains venaient découvrir ou approfondir la permaculture, d’autres, disposant d’un terrain, souhaitaient y appliquer les principes de la permaculture, d’autres encore cherchaient une possible reconversion ou venaient découvrir de nouveaux horizons. Beaucoup avaient aussi été attirés par l’aventure humaine collective que représentait ce stage.
Pour accueillir tout ce beau monde, rien de moins qu’une équipe composée de 10 personnes. Pascal, professeur et designer diplômé de l’Université Populaire de Permaculture, sa femme Chenli et leurs deux enfants, tous joyeusement installés sur ce lieu depuis plusieurs années où ils ont construit leur maison en terre-paille grâce à des chantiers participatifs. Olivier, le jardinier en chef, et Cyril, tous deux animateurs des chantiers, ainsi que Toni et Violaine, vivent également sur le lieu en attendant de mettre en œuvre leur propre projet permacole, dénommé l’Amycelium, à quelques kilomètres de la Courdémière. Après quelques années d’existence, Terre Paille & Co essaime! Enfin, Lionel et Greg, tous deux étudiants de Pascal et préparant le diplôme de permaculture, complètent l’équipe pédagogique.
Les présentations faites, c’est au tour du programme à venir d’être dévoilé aux participants : les jours de cours détaillés par thématique, les jours consacrés au “design” et, bien sûr, les jours prévus pour les chantiers participatifs. C’était parti pour un mois…
Après un premier cours introductif sur les principes généraux de la permaculture, le suivant portait sur l’observation des modèles naturels, dont peut s’inspirer l’homme pour concevoir des espaces harmonieux et productifs. À partir du troisième cours, les stagiaires sont entrés dans le vif du sujet avec la présentation des outils qui leur serviront à réaliser le design, l’exercice commun à tous les CCP. Le design consiste en la conception d’un plan d’aménagement d’un terrain ou d’un lieu selon les principes de la permaculture. Idéalement, l’exercice de design dans le cadre du CCP est réalisé sur un cas concret. Et cela tombait plutôt bien, le groupe projet de l’Amycelium était en cours d’acquisition des terrains sur lesquels ils voulaient mettre en œuvre leur projet permacole : un parfait sujet de design ! Le design a commencé par une journée d’observation collective des terrains et d’entretien avec les futurs habitants du lieu. Puis, les stagiaires ont eu à définir entre eux la manière dont ils souhaitaient s’organiser pour la réalisation du design et le rendu final : en petits groupes, tous ensemble, un ou plusieurs designs…? Bref, une importante décision à prendre à 17 personnes et donc de quoi expérimenter la “permaculture humaine” et la méthode de prise de décision au consensus. La décision a finalement été prise au bout d’une longue soirée et les groupes de design se sont constitués.
Les cours suivants ont apporté aux stagiaires toute la “matière” nécessaire pour l’exercice du design : l’eau, sa gestion sur un terrain et les techniques d’utilisation ; le sol, son fonctionnement et les diverses techniques d’amendement ; l’arbre, ses rôles et utilisations dans la conception d’écosystèmes productifs ; la réalisation de jardins-forêts ou encore la gestion et l’utilisation des animaux dans des systèmes permacoles.
Loin de fastidieux cours théoriques, ceux-ci se révèlent plutôt animés, faisant bien souvent appel à la participation des stagiaires, et souvent combinés avec une mise en pratique à même le terrain de la Courdémière, comme pour la réalisation d’un compost à chaud, d’une butte de permaculture, la mise en place d’une ruche ou encore des exercices de greffe fruitière..
Tout ceci a donné du grain à moudre à nos apprentis designers qui ont, au fil des jours, élaboré quatre designs possibles pour le projet de l’Amycelium. Et quand les neurones avaient trop chauffé, il était alors temps de mettre la main à la pâte lors des journées de chantiers. Deux belles réalisations ont ainsi été achevées durant le stage : les murs et la toiture végétalisée d’une salle de cours en terre-paille, ainsi que trois cuves de phytoépuration en ferrociment. Bénéficiant de l’expérience des encadrants rodés à la construction en terre-paille, les stagiaires ont pu expérimenter par eux-mêmes cette technique si appropriée au principe essentiel de la permaculture qu’est l’utilisation des ressources locales. Les bottes de paille provenaient d’un champ voisin et la terre était prélevée directement sur place, tamisée, puis utilisée, soit pour les enduits, soit pour la toiture végétalisée. Chacun a ainsi pu se familiariser avec la découpe et la mise en place des bottes de paille, l’élaboration et la pose de la couche d’accroche et de la couche de corps ou encore la végétalisation d’une toiture avec les plantes cueillies aux alentours.
Du côté des cuves de phytoépuration, après avoir creusé les trous accueillant les cuves, les participants ont élaboré les structures métalliques à base de fers à béton et de grillages, puis les ont enduits de ciment liquide pour leur faire prendre leur forme définitive et assurer leur étanchéité. Ces cuves ont ensuite été connectées, d’un côté aux évacuations d’eaux usées de la maison et, de l’autre, à une mare à proximité qui recueillera l’eau traitée par les plantes et les roches placées dans les cuves.
Et tout çà dans une joyeuse ambiance, propre aux chantiers participatifs, où les rires et les grandes discussions se mêlent à l’avancée des travaux.
Cours, design, chantiers, les journées ont été bien remplies cet été à la Courdémière où la vie collective au quotidien s’est organisée essentiellement en autogestion. Ce principe, souhaité par l’équipe accueillante, a permis à tous de s’approprier les différentes tâches nécessaires au bon fonctionnement du lieu et à la vie commune de 25 personnes. Cuisine, vaisselle, entretien des espaces de vie, jardinage mais aussi distraction du groupe ou ateliers à proposer, chacun était invité à inscrire son nom sur un grand tableau à l’entrée de la cuisine et apporter sa pierre à l’édifice d’un séjour harmonieux pour tous. Cet accueil, responsabilisant et bienveillant à la fois, a permis, de l’avis de tous, de rapidement se sentir chez soi à la Courdémière. Et les stagiaires ont eu l’opportunité d’y laisser leur contribution créative pour améliorer ou embellir le lieu à l’occasion des journées de “Karma land art”, chaque dimanche du stage. Ont ainsi fleuri, pêle-mêle, un portique balançoire, un panneau d’accueil, un pont en bois, une récupération d’eau de pluie pour la mare des canards ou encore une « porte saloon » pour l’enclos de ces mêmes canards, créés par les participants selon leurs envies et avec les ressources locales.
Mais on n’a pas fait que bosser dur pendant ce mois de stage et, été oblige, l’ambiance était aussi un peu au camping pour tous les stagiaires qui avaient planté leurs tentes à l’abri des arbres d’un coin de forêt. Au gré des variations d’une météo un peu capricieuse, baignades à la rivière, parties de palet ou de basket, barbecues ou soirée pizzas, concerts estivaux en plein air ou soirées improvisées au coin du feu, se sont organisés pour détendre les néo-“terre-pailleux”.
De quoi maintenir une ambiance au beau fixe durant tout le mois au sein du groupe où les liens se sont vite créés entre les participants et avec les habitants de la Courdémière. Peu de tensions parfois inhérentes à la vie collective à relever, le principe d’autogestion ayant produit un climat favorable à l’expression des problèmes et leur règlement dans la bonne entente. Et au besoin, un tour de parole hebdomadaire, permettant à chacun de pouvoir s’exprimer librement auprès de l’ensemble du groupe, était organisé autour du feu, tel un rituel nécessaire à la vie du groupe.
Toutes les bonnes choses ayant cependant une fin, le stage s’est clôturé mi-août avec la présentation des designs élaborés par chacun des quatre groupes. De quoi inspirer les futurs habitants de l’Amycelium et conclure, pour les stagiaires, ce cours certifié de permaculture. Certificat en poche, il était alors l’heure des au revoirs et du “retour au monde réel” pour chacun, le cœur gros, mais rempli par cette riche expérience humaine et une abondante inspiration pour diffuser les principes de la permaculture.
Pour voir plus d’images du Campstage et de nos réalisations :
https://terre-paille.fr/CAMPSTAGE-2014-quelques-photos
SR (& ME)