Comment construire une charpente réciproque?

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Construction d’une charpente reciproque

Dans le cadre d’un chantier participatif sur le terrain de « terre paille et compagnie », nous voulions construire une petite maison ronde d’environ 35 m2. La volonté d’expérimentation, la beauté de ce genre de structure, le côté un peu ‘magique’ des structures auto-portées et la volonté d’aller encore plus loin vers l’écologique, le pas cher et le « fait soi-même » nous a conduit à faire le bâtiment avec une charpente réciproque fabriquée en bois rond coupés par nous dans la foret qui est juste à côté de la construction. Nous vous faisons découvrir les étapes de la construction d’un tel bâtiment.
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Principe de la charpente réciproque :
on peut utiliser le nombre de poutres que l’on veut (au minimum 3 en théorie), dans notre cas on est partit sur 8 poutres. L’idée est que chaque poutre repose sur la précédente et soutient la suivante, ce qui permet de maintenir la structure sans poteau central. Imaginez des gens l’un derrière l’autre assez proche et en cercle, chacun se baisse en même temps comme pour s’asseoir sur une chaise et se retrouve assis sur les genoux de la personne derrière lui. Bien qu’il n’y ait pas de chaise chacun se retrouve assis sans faire d’effort. C’est exactement le même principe que la charpente réciproque.

Géométrie :
la géométrie d’un tel bâtiment est intéressante car la pente du toit, le diamètre moyen des poutres et le diamètre du trou central sont complètement liés. Il faut donc savoir déterminer le diamètre central et le diamètre des poutres pour obtenir la pente de toit qu’on désir. Dans notre cas, on avait choisi une toiture végétalisée et donc une pente de toit d’environ 20 degrés. La toiture végétalisée imposait aussi un diamètre minimum pour les poutres du fait du poids important de celle-ci. Le calcul du diamètre minimum pour soutenir tout ça n’était d’ailleurs pas chose simple car il y a peu d’informations la dessus sur le net. Les tableaux de détermination des sections pour une charpente classique en sapin et en section rectangulaire sont facilement disponibles mais pour une charpente réciproque en chêne et en bois ronds, c’est une autre histoire. Il a fallu tenter de faire une correspondance entre les 2. une fois la section minimum déterminée, il ne faut pas non plus prendre trop gros pour pouvoir manipuler le bois sans trop de difficulté et pour ne pas trop augmenter la taille du trou central si on veut rester sur une pente d’environ 20 degrés. Il y a un compromis a trouver. Le site suivant parle des calculs pour la géométrie d’une telle charpente :
http://www.mts.net/~sabanski/pavilion/pavilion_design.htm

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Fondations :
on a décidé de partir sur 8 poutres pour la charpente (car avec moins, le poids de chacune aurait été trop important et avec plus la pente de toit aurait augmentée), donc 8 poteaux. On a donc creusé un trou de 30cm par 30cm à l’emplacement de chaque poteau pour faire des fondations pierre-chaux (très simple a faire) et un petit plot en chaux sous le poteau (peut-être pas un bonne idée car on a fait les plots en chaux peu de temps avant le début de la construction et c’est très long a bien sécher au cœur. On a du ruser et ajouter un pneu rempli de cailloux autour pour maintenir le plot et une petite planche par dessus pour bien repartir les charges sur le plot. Ça nous a permis de ne pas trop attendre pour commencer la charpente). Dans chaque plot en chaux avait été intégré une tige en fer à béton qui dépasse du plot et qui permet au poteau de rester en place avec certitude car on a choisi de ne pas fixer les poteaux à leur fondation.

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Montage de la charpente :
il a d’abord fallu aller tronçonner dans la foret les chênes correspondant aux longueurs et sections qu’on voulait (dans notre cas, pour les poutres, 15 a 18 cm de diamètre du côté le plus fin et 5 mètres de long, et, pour les poteaux, un diamètre un peu supérieur et un peu moins de 2 mètres de long) et écorcer à la plane ensuite (un travail long mais assez agréable et méditatif).
Une fois nos poteaux prêt, on les met en place et on les soutient provisoirement avec des planches de contreventement. Il faut ensuite relier les huit poteaux par des traverses bien solides (si on ne le fait pas, les poteaux s’écarteront sous le poids de la charpente et celle-ci peut tombée). L’option choisie pour tenir ensemble le poteau, les 2 traverses de chaque cote de celui-ci et la poutre qui viendra au dessus est une tige filetée traversant le tout et renforcée par un feuillard placé à la fin :
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L’étape suivante est celle qu’on attendait tous : monter les poutres du toit. Il ne faut pas oublier de faire d’abord un montage au sol avec les poutres qu’on utilise pour le toit. C’est assez important pour se donner une idée de ce qui va se passer. On essaye de se mettre dans les conditions les plus proches de la réalité et on monte le toit mais, au lieu que ce soit en haut des poteaux, c’est au sol. C’est plus simple que de le faire en haut des poteaux et ça permet d’anticiper un peu ce qui va arriver. Ça n’empêchera pas d’avoir des surprises mais ça limitera quand même les éventuels problèmes qu’on peut rencontrer.
Une fois cet essais de montage effectué, on peut se lancer. Il faut d’abords poser ce qu’on appel un « charlie stick », c’est un poteau central tailler en « V » sur le haut. Il faut calculer la bonne hauteur pour celui-ci : ‘diamètre moyen des poutres’ x ‘nombre de poutres’ + hauteur des poteaux + 30 cm. Cette formule devrait correspondre mais on peut aussi se creuser un peu la tête et faire ses propres calculs auquel on ajoute toujours une petite marge pour être certain de pouvoir enfiler la dernière poutre. Il faut aussi placer le « charlie stick » au bon endroit, décalé du centre du bâtiment du rayon du trou central déterminé au début. Pour expliquer autrement, la première poutre qui posera sur le « charlie » doit être tangente au cercle central. Il faut aussi le décaler un petit peu le long de la première poutre pour éviter que le « charlie stick » soit dans le passage de la dernière poutre.
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C’est maintenant le moment de poser la première poutre qui vient se positionner au dessus d’un poteau et sur le « charlie ». Notre choix technique a été de faire une encoche pour bien transférer verticalement dans le poteau les forces exercées et éviter que ces forces soit transférées à travers la tige filetée. On devait d’abords installer chaque poutre puis la retirer plusieurs fois pour tracer la forme de l’encoche, essayer puis refaire si la forme n’était pas idéale, percer le trou où viendra s’enfiler la tige filetée dépassant en haut du poteau. La deuxième poutre vient posée sur la première. Pour la poser au bon endroit on essaye de garder chaque poutre tangente au cercle central déterminé par le calcul au début et on essaye aussi de garder les points d’appui des poutres à la même hauteur (il faut en quelque sorte que le cercle central formé au fur et à mesure qu’on pose les poutres reste le plus horizontal possible). On a choisit de poser une cale provisoire pour chaque poutre, vissée dans la poutre précédente, pour être sur que chacune reste dans la position qu’on voulait. Le processus est le même pour chaque poutre et la dernière viendra poser sur l’avant dernière et s’enfiler sous la première. Si la taille du « charlie » n’est pas bonne, on pourrait ne pas pouvoir assez d’espace pour enfiler la dernière poutre ou il pourrait y avoir trop d’espace, ce qui compliquerait l’étape suivante.
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Voilà venu le moment délicat où on enlève le « charlie ». on a d’abord ficelé ensemble toutes les poutres et retiré les cales. On a remarqué que la dernière poutre a tendance à glisser vers le bas, on a essayé d’éviter ça en tendant une corde entre la dernière poutre et celle d’en face. Il faut réussir à descendre la charpente petit à petit, ne pas enlever le « charlie » d’un coup, ce qui pourrait être assez violant et dangereux. On a pensé à utiliser des étais qui reprenaient la charge de la charpente entière et permettait de la descendre petit à petit. Quand les étais arrivaient en bout de course, on faisait reprendre la charge au « charlie » préalablement raccourci, puis on raccourcissait aussi les étais avant de leur faire reprendre la charge pour pouvoir continuer à descendre la charpente. Après avoir fait plusieurs fois cette manipulation, on remarque qu’il n’y a plus de charge ni dans les étais, ni dans le « charlie ». La première et la dernière poutre se touchent et la charpente est maintenant auto-portée. La charpente peut encore descendre un peu, on peut avoir quelques émotions quand en montant dessus pour tester et crier victoire la charpente descend d’un coup de quelques centimètres. La charpente trouve petit a petit sa position d’équilibre.
La structure principale est maintenant en place. On a plus qu’a mettre des feuillards à la place des cordes qui tenaient les poutres entre elles. Ils ne prennent que très peu de charge, ils empêchent juste les poutres de glisser vers l’extérieur mais n’empêche pas le mouvement dans le sens de la poutre (qui peut arriver au cours du séchage du bois encore vert). On peut aussi rajouter une corde métallique qui encercle les 8 poutres au niveau du cercle central.
On a ensuite rajouté des poutres intermédiaires plus fine, parallèles aux poutres principales, puis on a ensuite mis des dosses perpendiculaires aux poutres. Ça permet de répartir mieux les charges, de solidariser l’ensemble et de pouvoir poser les bottes de pailles qu’on met ensuite par dessus en guise d’isolation. Par dessus les bottes de paille, c’est ensuite l’EPDM (membrane étanche), et enfin la terre.
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Bilan de la construction :
Ça a été un plaisir de construire ce bâtiment. Aucun de nous n’avait déjà fait ce genre de structure, ce qui a finalement été intéressant car il a fallu réfléchir et discuter ensemble à chaque fois qu’un problème se posait ou qu’il fallait faire un choix sur la technique à adopter. C’est très enrichissant et ça nous montre qu’on peut faire beaucoup de choses si on se lance. On s’est quand même appuyé sur un livre en anglais, « building a low impact roundhouse » mais chaque étape a été requestionné pour trouver la meilleure technique adaptée à notre cas. Je pense que, même si tout n’est sans doute pas parfait, au final, on s’en ait bien sorti.

Voir aussi le superbe photo-montage ici

Olivier Prévost
Pour Terre, Paille & Compagnie

janvier 7, 2014